• ... un petit air de musique qui s’éloigne. La vie dense est dans les anses : c’est la vie d’ange. Les grandes criques nous croquent, fini le serf service. Encore un bain dans la méditerranée. Il a fait chaud, trop chaud, toute la journée.

    Et l’eau attendait. Que le soleil fonde, qu’il saisisse l’horizon, qu’il coule finalement à son tour. C’est le dernier bain, pour lui, comme pour nous. Et tout recommencera demain.<o:p></o:p>

    Ne sommes-nous pas bien chez nous, là où nous avons choisi de vivre ? Et l’endroit de nos vacances n’est-il pas également le plus beau du monde, le plus accompli, forcément ?


    Voilà pourquoi tous les commentaires des lieux de tourisme se ressemblent : lumière incomparable, chefs d’œuvre d’architecture, gens uniques, lieux de mémoire -pour les plus inspirés. Mer « turquoise », gastronomie « variée », plages (et) « blondes », pour les plus audacieusement conceptuels. C’est que tout voyage possède sa structure, intangible, peut-être même –plus généralement- tout déplacement.

     

    Majorque : c’est une terre de paysans ; un lieu cerné ; et l’insuffisance est son sort.<o:p> </o:p>

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    Les comportements agricoles dominent l’île, bien au-delà de ses transformations. Les villages sont construits et assemblés autour des champs et des fermes, tout comme l’organisation de l’espace et des sociétés humaines qui s’y agitent. La terre n’est pas seulement faite pour y déposer des aéroports, des routes, des immeubles, des supermarchés, ou des boîtes de nuit. Elle donne aussi à ceux qui lui donnent du soin. Des olives, des amandes, des oranges, des citrons, des chemins cachés, des murs de pierres sèches, de l’herbe pour le lait des vaches et la viande des agneaux. Elle porte les conversations chuchotées, entre amis ou entre amoureux. Un air de guitare accompagne, aux meilleurs jours, le retour du soleil.

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    Majorque est cerclée : d’eau et d’agresseurs. La mer apporte la violence, hier, barbaresque, aujourd’hui, touristique. Vous et moi. Elle mêle les repères et métamorphose les caractères. Elle défie la terre, l’ouvre en grand à la barbarie, forcément nomade et incompréhensible ; elle garde pour elle les pêcheurs aventureux et les nageurs imprudents, quelquefois. Majorque a laissé entrer tous les peuples de la méditerranée -phéniciens, romains, arabes, catalans-, la science nouvelle de la cartographie, l’une des premières écoles de langues d’Europe, et les arts. Elle a raté l’invention de la perspective, le nouveau monde atlantique, les navigations hors des mers. Les zébrures bétonnées qui ferment quelques-unes de ses anses, cette populace massive et désordonnée, ce sont des vœux de touriste ; pas de voyageur, encore moins d’insulaire.

     

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    L’insuffisance domine. Les terres arides qui ne procuraient pas toujours à leurs habitants de quoi se nourrir poussaient à l’économie, suscitaient la faim, souvent le départ. L’insuffisance est aujourd’hui déplacée dans la recherche de nouveaux équilibres, c’est la contrepartie du mouvement ; à un tourisme qui se veut équilibré et « durable », il faut des ressources : elles sont insuffisantes, elles aussi. L’esprit de suffisance n’habite pas l’île, c’est pourquoi, importé par les nouveaux envahisseurs d’Europe du Nord, il glisse et ne s’implante pas.

     

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    C’était juste quelques lignes pour s’attarder ensemble, par goût de la peinture et du déplacement. Pour le plaisir de faire danser les mots avec les airs de musique qui s’éloignent et restent enfermés pour toujours.<o:p></o:p>

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